Un
matin, je me suis reveillée avec un sale goût dans la bouche. Ca m'à
fait rire jaune, je me suis dit que merde alors, ça y est j'étais
vieille et j'avais la gueule de bois même quand j'avais passé la soirée
de la veille à rien foutre, affalée dans mon canapé. J'ai pris ça comme
un signe que la trentaine approchait, et que la chine allait pouvoir
bien se foutre de ma gueule et se marrer.
Après, j'ai eu très mal
au crâne. Deux jours durant. Je me suis bourrée d'Efferalgans, j'ai
pensé que je restait trop sur le pc, que la luminosité de l'écran
c'était pas le top pour mes petits yeux fatigués.
Et puis un
matin, en train de me préparer, j'ai réalisé que ma bouche répondait mal
quand je mettais mon rouge à lèvres. Qu'en fait, j'avais beau me
concentrer, j'arrivais plus à l'appliquer.
Et j'ai l'oeil qui à commencé à merder, j'avais du mal à le fermer.
C'est à ce moment là que j'ai commencé à paniquer.
c'était un vendredi...
Forcément,
en bonne flippée de la vie que je suis, j'ai pensé à un AVC, j'ai
reveillé la Chine en poussant des cris hystériques et j'ai filé aux
urgences au plus vite, méprisant quasi-totalement le code de la route et
la bienséance au volant. Là, j'ai essayé de sourire aux infirmières, ça
n'à pas marché, je me suis mise à pleurer.
On m'à fait entrer
dans une petite salle, me foutre à poil, enfiler la jolie chemise
ouverte qui montre tes fesses chaque fois que tu tentes de bouger, façon
encadrement pour capitons.
On m'à posé des questions, on m'à
braqué des lampes torches dans les yeux, on m'à fait faire des grimaces
que je n'arrivais pas à effectuer, on m'à dit vous êtes une colle je
vais chercher mon chef, on m'à fait des prises de sang, on m'à fait
exploser une veine, j'ai sourit à moitié comme une jeune fille bien
elevée, on à recommencé de l'autre côté, le chef est arrivé, on à repris
la lampe, on m'à pincé, on m'à redit de souffler, grogner, cligner, et
je pouvais toujours pas, alors j'ai serré les poings sous les draps.
On m'à dit Mademoiselle, vous avez une paralysie.
J'ai souri d'un côté, j'ai tremblé, j'ai dit "ah oui?".
Alors
on m'à expliqué que j'avais une paralysie faciale à frigore, qu'on
savait pas trop à quoi c'était du, qu'à cause d'un coup de froid, d'un
virus ou de la combinaison des deux mon nerf facial était "sideré". Un
peu comme moi en fait, siderée. Il savait plus quoi faire, il comprenait
plus ou il était. Du coup, il avait gonflé, et comme il passe dans un
foramen crânien il se retrouvait comprimé, irrité, l'influx nerveux ne
pouvait plus circuler.
J'avais la moitié du visage en train de se figer.
On
m'à dit que c'était bénin, que dans la plupart des cas ça passait,
qu'il n'y avait pas grand chose à faire mais qu'on allait me donner un
traitement. Qu'en fait, on était pas trop trop sûr que ça marchait, mais
que ça ne pouvait pas faire de mal et que ça valait le coup d'essayer.
Cortisone à haute doses et antiviraux.
Larmes visqueuses pour l'oeil qui ne fermait pas.
Compresses, sparadrap.
Je
suis rentrée chez moi, j'essayais de sourire, de faire des blagues,
avec ma bouche qui foirait et mon oeil qui ne fermait pas.
Le truc
qu'on ne m'avait pas dit, c'est que pendant quelques jours ça allait
empirer. Résultat le lendemain j'étais encore un peu plus figée, le
surlendemain la moitié droite de mon visage était totalement infoutue de
bouger. Rien, queudal, même pas un frémissement. J'avais énormément de
mal à parler, je ne pouvais plus boire qu'à la paille, c'était très
difficile de manger et je devais me fermer l'oeil avec les doigts par ce
que sinon, il ne cillait même pas. J'avais le visage mort sur toute une
moitié.
Je vais être honnête: j'ai passé les 3 premiers jours à être odieuse et à chialer.
Et
puis ça m'a soulé, d'être cette pauvre chose prostrée sur son canapé.
J'ai sorti la collection de lunettes de soleil et le foulard de bandit
pour skyper avec les potes lointains, occupés à faire les artistes chez
les italiens. Je me suis ruinée pour un cache oeil de pirate à 2€, sacré
investissement. J'ai mis la main devant la bouche chaque fois que je
devais parler, j'ai décidé de faire avec, que ce n'était rien, et j'ai
vaqué à mes occupations.
J'ai acheté du vernis, des cookies, du
sparadrap. J'ai dit bonjour à la vendeuse, la boulangère, le pharmacien.
Je me suis baladé. Je me suis montré. J'ai sorti le chien.
Ca n'à l'air de rien.
Mais
disons qu'on ne peut pas nier l'importance de l'apparence dans notre
societé, et j'avoue que j'y suis complétement alienée. D'un coup, de
banale, je me retrouvais presque défigurée et j'ai eu énormément de mal à
l'accepter. J'avais totalement perdu en expressivité, mes sourires
ressemblaient à des grimaces, mes rires m'effrayaient, je n'arrivais
plus à embrasser la Chine et pour avoir l'air coquine, merci bien, si
Double-face était sexy ça se saurait.
ça, c'est cadeau.
Cela
dit, y'avait des trucs biens. Je pouvais me déguiser impunément en
pirate, je pouvais baver et crachoter comme une grosse sale sans que
personne ne puisse critiquer, je pouvais finir toutes les conversations
gênantes d'un simple "TOUTE FACON JSUIS PARALYSEE".
Par contre la bière à la paille, ça le fait moyen. Sacrilège, je sais, j'ai pêché.
On
m'avait dit de faire des grimaces devant le miroir. J'ai essayé, rien
ne bougeait, j'avais l'impression d'être une gamine qui tente de faire
bouger le bocal à bonbons par la seule force de sa volonté. Ca me
déprimait chaque fois, alors j'ai arrêté de me coller face à face avec
mon visage déformé et j'ai continué à faire des grimaces, mais sans
glace.
Etrangement, j'étais devenue totalement
obsessionnelle avec mon sourcil. Par ce que comme les muscles du front
ne fonctionnent plus, il était affaissé, je me retrouvais avec une
paupière tombante et une ligne de sourcils asymétrique. C'est la dessus
que j'ai complétement focalisée, persuadée que plus jamais je ne
pourrais me maquiller. C'est terriblement futile, je sais.
Ensuite,
les douleurs sont arrivées. Apparemment c'est à cause des muscles qui
sont ankylosés à force de ne pas être stimulés, et ya pas grand chose à
faire à part prendre du Nurofen et se masser doucement. Enfin, ça, c'est
pour les jours ou le contact sur tes mâchoires et tes joues ne te donne
pas envie de hurler. Ces jours là, tu masses quand même, encore plus
doucement, et en serrant les dents. J'ai appris que faire ça près d'une
source de chaleur soulageait mieux, et pour la première fois de ma vie
j'ai utilisé mes radiateurs en plein été.
Ca s'accompagne d'une fatigue extrême, j'étais souvent en train de sommeiller, j'étais un genre de larve mononucléosée.
Le
plus difficile, ça à surtout été d'accepter qu'il n'y avait rien à
faire. Qu'il fallait juste attendre, mais qu'on savait pas combien de
temps, et qu'on était pas sûrs que je récupère à 100%. Attendre,
attendre, attendre, rester confiante, être patiente.
Je veux dire, à quel moment il faut commencer à désesperer? Quand est ce que tu peux te demander "et si ça ne revient jamais"?
T'as beau rester positive, ça te traverse forcément l'esprit...
C'est obligé.
Je vais être honnête, au début je me suis dit "si ça ne part pas, je ne le supporterais pas".
Et
puis un jour, j'ai regardé ma vie, la bonne journée que je venais de
passer, mon chien qui ronflait, mon mec qui glandait, et je me suis dit
que si, même si je devais rester paralysée, je le supporterais.
Je
sais qu'en disant ça je ressemble à une petite pétasse ultra-gâtée,
mais je veux juste dire que j'ai appris à relativiser. Qu'en voyant mon
image aussi transformée, qu'en passant dans le clan de la laideur, j'ai
réalisé que contrairement à ce que j'avais toujours pensé une belle
gueule te facilitait certes la vie, mais n'était pas un but en soi ni
une finalité.
Après, j'étais beaucoup plus sereine.
Avec cette paralysie, mais aussi avec moi même.
Et
puis un jour, j'ai senti des picotements. Pas les douleurs habituelles,
plutôt comme des fourmis, comme ces espèces de tiraillements
involontaires qui arrivent parfois quand on est très fatigué. Le soir,
la chine m'à dit que je faisais le lapin, j'avais la lèvre qui
frémissait.
C'était infime, de l'ordre du millimètre.
Presque rien.
Mais c'était là, après presque 2 semaines de totale immobilité quelque chose avait enfin bougé.
Evidemment, j'ai pleuré. Je crois que j'ai jamais autant donné dans la chiale que pendant cette paralysie faciale.
le lapin donc. Comme Lemmy.
Rapidement,
ça à évolué. J'avais globalement de plus en plus de tressautements,
même si parfois je ne ressentais plus rien pendant une journée et que je
me mettais à paniquer.
J'ai
commencé à avoir des mouvements plus visible, ça à débuté avec le coin
de la bouche qui très doucement revenait, puis mon oeil qui se remettait
petit à petit à ciller. J'ai réussi à le fermer tout seul et à dormir
sans sparadrap approximativement 6 semaines après le début de la
paralysie.
Et devines quoi? J'ai pleuré. Encore, ouais!
Le jour ou j'ai enfin pu siffler, pareil.
Et quand ce foutu sourcil à commencé à remonter, un festival de la chiale.
En
2/3 semaines après le premier frémissement, j'ai récupéré environ 95%
de ma mobilité. Le reste revient tout doucement, c'est presque
invisible, ce n'est pas très gênant.
J'ai
gardé quelques séquelles, mais rien d'insurmontable. Par exemple, je
baille en asymétrique, avec l'oeil droit qui se ferme automatiquement.
Quand je fais une duckface, elle est légèrement de travers, et c'est pas
une grosse perte. J'ai toujours des douleurs qui se déclenchent de
temps en temps, surtout quand je suis crevée, mais c'est bien moins
intense qu'avant.
Bref,
j'ai eu une paralysie faciale a frigore, j'ai essoré mes glandes
lacrymales, j'ai rentabilisé mes Ray Ban, et 68 jours plus tard je suis
guérie et j'ai appris à un peu plus m'accepter.
Tu
vas sans doute te demander pourquoi je te parle de tout ça, et en quel
honneur je me lance dans un racontage de vie hautement impudique, limite
pathétique, et dont tu te contrefous sûrement...Pourquoi je m'étales en
digressions, en décomptes, pourquoi je me perds dans des détails pas
super kiffants.
Tout
simplement par ce que la paralysie faciale à frigore (ou "paralysie de
Bell"), c'est finalement très courant. J'ai halluciné devant le nombre
de personnes qui m'ont dit qu'ils l'avaient eu, ou qu'un de leur proches
l'avait chopé.
Quand ça
arrive, tu cherches forcément des réponses, des solutions, des
témoignages. T'as besoin d'être rassuré, par ce que bien que souvent
positive l'issue de cette paralysie reste incertaine. Il y à des
récupérations fulgurantes, d'autres qui prennent des années, d'autres
qui s'étalent sur quelques mois et uneminorité qui ne quérit jamais.
Tout est bon à prendre, et quand je me suis jetée sur mon pc pour
Googler je suis tombée sur des pdfs scientifiques difficiles à digérer
et des témoignages Doctissimo super alarmants. Mon généraliste était
moitié largué sur le sujet, et aux urgences ils ont autre chose à faire
que de te parler et te rassurer.
Résultat,
je me suis retrouvée larguée (heureusement, Betty Nail Art était là
pour me rassurer, m'écouter, m'épauler, et je ne la remercierais jamais
assez pour ça)
Alors
si je peux fournir à quelqu'un, un jour, un témoignage détaillé et qui
finit bien, j'aurais réussi ce billet.